Germinal
Émile Zola
– Bonjour, répondit le vieux.
Un silence se fit. L’homme, qui se sentait regardé d’un œil méfiant, dit son nom tout de suite. – Je me nomme Étienne Lantier, je suis machineur... Il n’y a pas de travail ici ?
Les flammes l’éclairaient, il devait avoir vingt et un ans, très brun, joli homme, l’air fort malgré 9 ses membres menus.
Rassuré, le charretier hochait la tête.
– Du travail pour un machineur, non, non... Il s’en est encore présenté deux hier. Il n’y a rien.
Une rafale leur coupa la parole. Puis, Étienne demanda, en montrant le tas sombre des constructions, au pied du terri :
– C’est une fosse, n’est-ce pas ?
Le vieux, cette fois, ne put répondre. Un violent accès de toux l’étranglait. Enfin, il cracha, et son crachat, sur le sol empourpré, laissa une tache noire.
– Oui, une fosse, le Voreux... Tenez ! le coron est tout près. À son tour, de son bras tendu, il désignait dans la nuit le village dont le jeune homme avait deviné les toitures.
Pour mieux comprendre
se fit : passé simple du v. se faire, se for- une rafale : coup de vent soudain et mer, commencer.
brutal, violent.
méfiant : qui n'a pas confiance, qui le terri ou terril : énorme tas, masse de doute.
terre accumulée à côté d'une mine.
un machineur: ouvrier qui s'occupe de une fosse : trou, cavité large et pro-la mécanique des machines (en fran- fonde, puits creusé par les mineurs.
çais moderne: mécanicien).
put : passé simple du v. pouvoir.
ses membres menus: ses bras et ses une toux : expiration forcée provoquée jambes sont fins et petits.
par des problèmes respiratoires, (du v. tousser).
empourpré: d'une couleur rouge vif.
rassuré : tranquillisé (le contraire de méfiant).
cracha: passé simple du v. cracher jeter de la salive de la bouche.
un charretier : conducteur de charrette un coron : ensemble de maisons de (ici, voiture en bois à deux roues pour mineurs, un quartier.
transporter le charbon).
deviner : découvrir, trouver.